Livrer, à l’aide de l’édition du génome CRISPR-Cas9, de petits ARNm qui permettent de corriger des mutations néfastes, et restaurer ainsi la force musculaire, c’est la démarche de cette équipe du Max Delbrück Center for Molecular Medicine in the Helmholtz Association (Berlin). Les scientifiques parviennent ici à faire fusionner les cellules souches musculaires humaines en jeunes fibres musculaires. Ces travaux, certes expérimentaux, publiés dans la revue Molecular Therapy — Nucleic Acids, témoignent à nouveau des promesses de l’édition de gènes dans le traitement des dystrophies musculaires.
Les mutations qui conduisent à l’atrophie musculaire pourraient ainsi être réparées avec l’éditeur de gènes CRISPR-Cas9. C’est ce que démontre ici l’équipe d’Helena Escobar, chercheur au Max Delbrück Center qui utilise l’outil sur des cellules souches musculaires humaines pour la première fois, avec à la clé, de vraies promesses thérapeutiques.
Une petite différence dans le génome, aux conséquences fatales
Il s’agit de corriger un petit changement dans le génome, une petite différence qui peut néanmoins avoir des conséquences fatales : les dystrophies musculaires sont presque toujours causées par un seul gène défectueux. Aussi différentes que soient les mutations dans ce groupe d’environ 50 conditions, elles conduisent toutes finalement à des effets similaires sévères : l’anomalie génétique induit des modifications dans la structure et la fonction musculaires, telles que les personnes atteintes subissent une atrophie musculaire progressive. Ainsi, les dystrophies musculaires peuvent être mortelles lorsque les muscles respiratoires ou cardiaques sont touchés.
Les dystrophies musculaires sont actuellement incurables et l’objectif est le développement d’une thérapie de fond pour ces maladies. C’est bien l’objectif de l’équipe berlinoise, et ses premiers résultats ouvrent déjà la voie à un essai clinique.
Une méthode qui avait fait ses premières preuves chez la souris : Quel est le protocole ? Il s’agit de prélever des cellules souches musculaires de patients malades, d’utiliser CRISPR-Cas9 pour corriger les gènes défectueux, puis de réinjecter les cellules traitées dans les muscles afin qu’elles puissent proliférer et former de nouveaux tissus musculaires, explique Helena Escobar. La méthode a déjà été testée et démontrée efficace chez la souris, modèle d’atrophie musculaire. Les scientifiques avaient alors introduit les instructions génétiques pour l’éditeur de gènes dans les cellules souches à l’aide de plasmides ou molécules d’ADN circulaires à double brin dérivées de bactéries. Cependant les plasmides pourraient s’intégrer involontairement dans le génome des cellules humaines et entraîner alors des effets indésirables difficiles à évaluer.
Il fallait donc améliorer la technique pour application chez l’Homme.
Chez l’Homme, l’équipe utilise comme vecteur l’ARN messager (ARNm), une molécule d’ARN simple brin, contenant les instructions génétiques pour corriger les gènes défectueux avec l’outil d’édition de gènes. Pour introduire cet ARNm dans les cellules souches, les chercheurs utilisent le processus d’électroporation, qui rend temporairement les membranes cellulaires plus perméables aux molécules plus grosses. L’équipe montre qu’ainsi, les molécules d’ARNm pénètrent dans presque toutes les cellules souches. Les chercheurs mettent au point un outil similaire à l’éditeur de gènes CRISPR-Cas9 qui ne coupe pas l’ADN, mais le modifie uniquement à un endroit avec une précision extrême. Cet outil permet bien de corriger les défauts génétiques de manière ciblée.
Prochaine étape, un petit essai clinique : l’équipe démontre in vitro que les cellules souches musculaires corrigées sont tout aussi capables que les cellules saines de fusionner entre elles et de former de jeunes fibres musculaires.
Un premier essai clinique pilote va être mené auprès de 5 à 7 patients souffrant de dystrophie musculaire à la fin de l’année 2022.
« Nous ne nous attendons pas à des miracles », expliquent les chercheurs, « les personnes atteintes ne commenceront sans doute pas à marcher après la thérapie. Mais pour de nombreux patients, ce sera déjà un grand pas si certains muscles fonctionnent à nouveau. Mais l’objectif de réhabiliter des muscles plus importants reste à l’étude ».
Source: Molecular Therapy — Nucleic Acids 28 Feb, 2022 DOI: 10.1016/j.omtn.2022.02.016 mRNA-mediated delivery of gene editing tools to human primary muscle stem cells