Guérir l'atrophie musculaire avant même que des dommages majeurs ne se produisent, c’est l’objectif de cette équipe du Max Delbrück Center for Molecular Medicine (Berlin) qui compte utiliser une technique d’édition du génome (CRISP Cas 9) pour supprimer de manière précoce les mutations responsables de la maladie. Ces travaux, présentés dans le JCI Insight, marquent une nouvelle étape, et ouvrent un grand espoir en regard de la thérapie cellulaire autologue qui ne permet pas de réparer le muscle lorsqu’il est déjà atrophié.
Il n'existe aujourd'hui aucune thérapie pour la maladie :
les cellules souches musculaires permettent à notre muscle de se développer et de se régénérer tout au long de la vie grâce à l'exercice. Mais si certains gènes musculaires sont mutés, c'est l'inverse qui se produit. Chez les patients souffrant de dystrophie musculaire, le muscle squelettique commence à s'affaiblir dès l'enfance. Les enfants atteints ne sont pas capables de courir ou de se déplacer normalement et sont souvent en fauteuil roulant à l'âge de 15 ans.
Le terme « dystrophie musculaire » englobe toute une série maladies caractérisées par des mutations de gènes différents, mutés sur des sites différents. Ici, les chercheurs effectuent au préalable une analyse génomique chez un groupe de patients atteints et se concentrent sur une forme particulière de la maladie, la dystrophie musculaire des ceintures (pelvienne et/ou scapulaire) 2D / R3, une forme relativement courante, qui progresse rapidement et dispose d'une fenêtre d’intervention pour « les ciseaux génétiques » qui vont tenter de corriger la mutation responsable.
Accéder in vivo aux mutations génétiques responsables
A l'aide de la technologie CRISPR-Cas9 ou d'une technologie d'édition encore plus avancée, il serait possible de corriger les mutations responsables. C’est l’objectif du Pr Simone Spuler, directeur du laboratoire de myologie du Max Delbrück Center, et de son équipe : « Nous suivons plus de 2.000 patients à la clinique pour troubles musculaires et avons perçu tout le potentiel de cette nouvelle technologie. Nous travaillons déjà avec certaines familles affectées. Chez certaines de ces familles, les parents étaient en bonne santé et n'avaient même pas idée qu'ils pouvaient porter un gène muté. Les enfants ont tous hérité d'une copie de la mutation de la maladie des deux parents ».
Pour l'étude, les chercheurs ont prélevé un échantillon de tissu musculaire d'un patient de dix ans, isolé les cellules souches, les ont multipliées in vitro et ont utilisé l'édition de base pour remplacer une paire de bases sur le site muté. Ils ont ensuite injecté les cellules souches musculaires modifiées dans les muscles de la souris, ces cellules se sont multipliées et se sont correctement développées en fibres musculaires. C’était une première démonstration de la la possibilité de remplacer les cellules musculaires malades par des cellules saines.
Aller plus loin avec l’édition du génome : précisément, les chercheurs ont utilisé l’édition de base (ou prime editing), une variante plus récente et très sophistiquée de l'outil d'édition de gène CRISPR-Cas9. Alors que dans la méthode d’édition du génome les deux brins d'ADN sont coupés par ces ciseaux moléculaires, les enzymes Cas utilisées pour l'édition de base se contentent de couper le glucose résiduel d'une base particulière et d'en attacher une différente, ce qui crée une nouvelle base à la cible et permet d’effectuer la correction de mutations ponctuelles ciblées dans un gène donné. La méthode est également beaucoup plus sûre, car les erreurs de modification sont extrêmement rares. Ici, les scientifiques rapportent que dans ces cellules souches musculaires ainsi réparées, ils ne constatent aucune modification erronée, ou portant sur des sites non ciblés du génome.
Agir « de l'intérieur » : alors que la thérapie cellulaire autologue qui consiste à retirer les propres cellules souches du patient, à les « éditer » à l'extérieur du corps, puis à les réinjecter dans le muscle ne permet pas de réparer un muscle déjà atrophié, les chercheurs ont ici trouvé le moyen d'injecter l'éditeur de base (des ARNm) directement dans le corps du patient. Une fois à l'intérieur du corps, cet « éditeur » peut traiter l’ensemble des cellules souches musculaires, puis se décomposer rapidement. De premières études précliniques, chez la souris sont déjà programmées.
Alors bientôt une thérapie in vivo pour la dystrophie musculaire ? Le principe serait d’utiliser des molécules d'ARNm qui contiennent les informations permettant à l'éditeur de synthétiser les outils in vivo. L'ARNm se décompose très rapidement dans le corps, de sorte que les enzymes thérapeutiques ne restent actives que pendant une période donnée. Enfin, la thérapie pourrait probablement également être répétée, si nécessaire.
Ces travaux mériterons encore de nombreuses et longues validarions. Mais ils jettent les bases et apportent une première preuve de concept : celle d'une toute nouvelle voie thérapeutique qui pourrait guérir l'atrophie musculaire avant même que des dommages majeurs ne se produisent.
Source: JCI Insight April 13, 2021 DOI : 10.1172/jci.insight.145994 Base editing repairs an SGCA mutation in human primary muscle stem cells
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