C’est un bandage « osseux », conçu pour capturer et piéger une molécule pro-cicatrisante, l'adénosine, sur le site de la fracture, et qui accélère et améliore ainsi le processus de cicatrisation. Développé par une équipe de la Duke University (Caroline du Nord) ce dispositif bioactif qui exploite finalement et démultiplie un processus naturel, pourrait être combiné à des bandages biodégradables, à des revêtements d'implants voire même à des greffes osseuses.
En 2014, Shyni Varghese, professeur en génie biomédical, génie mécanique et science des matériaux à la Duke, constatait que les biomatériaux en phosphate de calcium favorisent la réparation et la régénération osseuses. Au cours de ces travaux, son équipe avait identifié le rôle remarquable d’une biomolécule, l’adénosine, dans la croissance osseuse. Au cours d’expériences, les chercheurs ont ensuite compris qu’en cas de fracture, le corps submerge naturellement la zone de la lésion osseuse de molécules d'adénosine pro-cicatrisantes, mais ces niveaux localement élevés sont rapidement métabolisés et ne perdurent pas. L’idée était donc de pouvoir induire puis maintenir ces niveaux élevés d’adénosine plus longtemps sur le site de la lésion, pour améliorer et accélérer le processus de guérison.
Piéger l’adénosine, une molécule pro-cicatrisante sur le site de la fracture
Le défi lié aux effets secondaires possibles : alors que l'adénosine est omniprésente dans le corps à de faibles niveaux et remplit de nombreuses fonctions qui n'ont rien à voir avec la cicatrisation osseuse, il fallait donc pour éviter les effets indésirables possibles, parvenir à la concentrer juste sur le site des tissus endommagés. Alors qu’il « n’y a rien de mieux qu’un processus naturel », les chercheurs ont donc laissé le corps dicter les niveaux d'adénosine mais ont trouvé le moyen de maintenir ces niveaux et de manière localisée : il s’agit d’un bandage de biomatériau appliqué directement sur l'os brisé qui contient des molécules de boronate qui s'accrochent à l'adénosine. Le bandage permet une libération lente de l'adénosine sans effets secondaires.
Plusieurs types de bandages sont testés chez la souris, en biomatériaux poreux comportant du boronate pour capter la poussée locale d'adénosine à la suite d'une blessure ; des bandages préchargés d'adénosine sur les fractures du tibia chez la souris.
- Après 1 semaine, les souris traitées avec les deux types de bandages guérissent plus rapidement que les souris traitées avec des bandages qui ne capturent pas ou n’administrent pas l'adénosine ;
- après 3 semaines, alors que toutes les souris sont en cours de cicatrisation, celles traitées avec les bandages à base d'adénosine présentent une meilleure formation osseuse, une densité osseuse plus élevée et une meilleure vascularisation.
Des implications nombreuses pour traiter la fragilité osseuse liée à l’âge : ces nouveaux « pansements » osseux qui piègent l'adénosine favorisent ainsi la consolidation de la fracture. Ce développement a des implications importantes dans le traitement des fractures mais aussi de l'ostéoporose ou la fragilité osseuse liée au vieillissement. « Les patients atteints d'ostéoporose ne produisent plus d'adénosine et leurs os se brisent. Ces premiers résultats indiquent que ces bandages pourraient fournir l'adénosine nécessaire pour réparer ces lésions tout en évitant les effets secondaires ».
Les chercheurs travaillent actuellement à un bandage biodégradable qui piège l'adénosine puis se décompose ensuite dans le corps, à un bandage permanent rechargeable avec de l'adénosine et sur un gel lubrifiant concentré en adénosine pour prévenir les lésions osseuses associées aux chirurgies articulaires reconstructrices ou aux implants médicaux.
Source: Advanced Materials 12 December 2019 DOI : 10.1002/adma.201906022 In Vivo Sequestration of Innate Small Molecules to Promote Bone Healing (Visuel Shyni Varghese, Duke University)
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