Les scientifiques du Max Delbrück Center for Molecular Medicine (Berlin) sont parvenus à suivre Titine, la plus grande protéine du corps, en temps réel tout au long de son cycle de vie. Ces travaux, présentés dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine apportent de nouvelles données sur le développement et le remodelage musculaires ainsi que de nouvelles perspectives de traitement des lésions musculaires ou cardiaques.
Mais qui est Titine ? Titine est la plus grande protéine du corps et la plus abondante dans le muscle strié. La protéine est documentée pour son un rôle clé dans le tissu musculaire. Chaque molécule de titine se compose d'une longue chaîne de faisceaux croisés ressemblant à une corde avec des centaines de nœuds. Titine est la principale source d'élasticité musculaire, elle régule l'élasticité de chaque muscle de notre corps, de manière à ce qu'il fonctionne à une performance optimale.
Titine détient la clé de l'élasticité musculaire
A l’aide de techniques d’imagerie de haute résolution, les chercheurs ont pu suivre le cycle de vie complet de la protéine, de sa synthèse à sa dégradation. Ces observations permettent aujourd’hui de mieux comprendre le processus de formation des sarcomères, qui sont les principales unités contractiles du cœur et du muscle squelettique, avec des implications bien sûr pour le traitement des maladies musculaires et cardiaques. L'équipe a « tagué » les extrémités de la protéine avec des « étiquettes » fluorescentes rouges et vertes de chaque côté, afin de pouvoir observer le moindre mouvement de Titine dans les cellules musculaires. Ici dans des cellules musculaires dérivées du cœur, des cardiomyocytes de souris.
Titine veille à l’élasticité du muscle : Les cardiomyocytes sont des cellules très spécialisées qui ne peuvent pas se permettre de sauter un battement, explique l’auteur principal, Michael Gotthardt, directeur du laboratoire de biologie cellulaire neuromusculaire et cardiovasculaire du du Max Delbrück Center. « Nous avons pu observer comment Titine est fabriquée et insérée dans le myofilament. C’est beau à voir ! ». Cette observation révèle que Titine est beaucoup plus dynamique qu'on ne le pensait. Les cellules du muscle cardiaque semblent avoir un réservoir de titine soluble réparti dans les unités contractiles (sarcomères), prêt à remplacer les protéines endommagées lors du processus répétitif d'expansion et de contraction musculaire. Les protéines trop « détendues » sont expulsées des cellules puis éliminées. Tout cela se produit en quelques heures, ce qui semble rapide, cependant c’est en réalité beaucoup plus long que pour toute autre protéine sarcomérique. Les molécules de titine, appelées isoformes, sont très diverses, certaines se déplacent plus rapidement et d’autres plus lentement. La méthode d’imagerie permet ainsi d’observer tout le processus de formation et le remodelage de la structure du myofilament.
De nombreuses applications : la technique de marquage, à base de protéines fluorescentes, génétiquement produites, n’induit aucun effet secondaire inattendu sur le développement et la fonction des muscles ou de Titine. Elle va permettre d’étudier comment les muscles se reconstruisent après l'exercice, comment les muscles cardiaques se remodèlent après une crise cardiaque ou encore comment se développent les maladies cardiaques associées à des mutations dans d'autres protéines sarcomériques. La technique permettra également de suivre les cellules implantées pour voir comment elles s'intègrent avec la fibre musculaire native, et si elles se connectent correctement avec les cellules voisines. Une grande avancée et un outil de pointe pour valider de nouvelles thérapies cellulaires.
Source : PNAS November 22, 2019 DOI : 10.1073/pnas.1904385116 Resolving titin’s lifecycle and the spatial organization of protein turnover in mouse cardiomyocytes
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