Après des années d’inactivité, il est recommandé de se concentrer sur des exercices de résistance, mais rapides, qui font travailler la « force explosive ». C’est la recommandation de cette équipe de de l'Université de Roehampton (UK) qui a regardé précisément les effets de l'inactivité musculaire à long terme sur la fonction neuromusculaire. Ces travaux présentés dans la revue Experimental Physiology, menés auprès d’un petit groupe de personnes amputées, permettent de préciser les schémas thérapeutiques de rééducation pour tous les patients ayant connu une longue période d’inactivité.
Plusieurs années d'hospitalisation, une maladie chronique, voire le choix d’un mode de vie sédentaire peuvent entraîner une inactivité musculaire à long terme. On connaît tous les effets néfastes de la sédentarité, mais cette étude a regardé, plus précisément les conséquences de cette inactivité sur le muscle, la force musculaire, l'équilibre, et le risque de chutes et de blessures.
Permettre aux patients longtemps inactifs de récupérer leur « force explosive ».
Les effets de l'inactivité musculaire à long terme sont difficiles à étudier en laboratoire, car l'application de l'inactivité physique prolongée pose des problèmes éthiques. On ne peut en effet, demander à des bénévoles d’arrêter toute pratique de l’exercice durant plusieurs mois. De précédentes recherches en revanche ont suggéré que les muscles de la cuisse de personnes amputées au-dessous du genou sont moins utilisés lors des mouvements, sont affaiblis et constituent de bons modèles pour l’étude des effets d’une inactivité musculaire prolongée. Les effets de l’inactivité musculaire à long terme sur la fonction neuromusculaire ne sont pas clairs non plus, car les études encore une fois ne peuvent porter que sur le terme.
Un modèle musculaire surprenant : cette étude utilise donc un nouveau modèle, le muscle de la cuisse de patients bénévoles, amputés transtibiaux unilatéraux, pour étudier les effets de l’inactivité prolongée sur la fonction neuromusculaire. L’analyse menée auprès de 9 participants amputés et 9 témoins, montre que la non-utilisation du quadriceps des membres amputés induit :
- une réduction de 60 à 76% de la force musculaire,
- une réduction de 32 à 44% de l’activation neuronale de la zone motrice,
- une contraction plus lente des muscles de la cuisse,
- une architecture musculaire altérée dans le corps, au-delà du seul membre amputé.
Ces résultats suggèrent des modifications considérables de la force musculaire et de la fonction neuromusculaire en cas d’inactivité à long terme. Des changements qui sont tout à fait similaires à ceux qui peuvent se produire dans les muscles d'une personne hospitalisée, sédentaire ou voyageant dans l'espace, expliquent les auteurs, Amy Sibley et Neale Tillin de l’Université de Roehampton.
Les chercheurs rappellent les 2 types principaux de force ou résistance, maximale et explosive, définis lors de précédentes études :
- la force maximale ou capacité maximale des muscles à produire de la force (on a en pratique rarement besoin de mobiliser cette capacité maximale dans nos activités quotidiennes) ;
- la force explosive ou capacité de produire rapidement de la force. Ce type de force, en revanche est très pertinent pour de nombreuses activités quotidiennes telles que récupérer d'une perte d'équilibre, éviter un obstacle ou dans la pratique du sport. Ils constatent chez ces participants amputés que les muscles inactivés perdent surtout en force explosive.
- Les modifications musculaires qui accompagnent cette réduction de force n'auraient pas pu être identifiées avec une méthodologie classique d’étude.
Ces données suggèrent que les interventions de rééducation musculaire des patients ayant connu une longue inactivité doivent avoir pour objectif prioritaire la récupération de la force explosive : en pratique, il s’agit de mettre l’accent sur des exercices de résistance typiques (par exemple, sur le dos, soulever un poids en poussant avec les jambes) mais avec l’intention de faire l’exercice le plus rapidement possible.
Source : Experimental Physiology 27 November 2019 DOI : 10.1113/EP088087 The effects of long‐term muscle disuse on neuromuscular function in unilateral transtibial amputees