Ces rhumatologues et épidémiologistes tirent le signal d’alarme : l’incidence des fractures osseuses est en forte progression, les fractures de la hanche pourraient presque doubler d'ici 2050. Ces données, publiées dans le Journal of Bone and Mineral Research, alertent sur ce problème majeur de Santé publique mondiale, qui fait peser un lourd fardeau sur les patients et leurs familles, et représente une charge financière croissante pour les systèmes de santé.
De toutes les fractures liées à l'ostéoporose, les fractures de la hanche sont celles qui entraînent le plus de morbidité avec des taux de mortalité estimés entre 20 et 24 % au cours de la première année qui suite une fracture de la hanche. La perte de fonction et d'autonomie, chez ces victimes souvent âgées, est fréquente, 40 % devenant incapables de marcher de manière autonome et 60 % ayant besoin de l’assistance d’un aidant.
L’étude, menée par une équipe de recherche internationale, évalue ici les tendances de l'incidence des fractures de la hanche, du traitement post-fracture et de la mortalité toutes causes confondues dans 19 pays de 5 régions du monde, et sur la période 2005-2018. L’analyse menée sur les données associées à 4.115.046 cas de fracture de la hanche dans la cohorte, aboutit aux conclusions suivantes :
- les taux d'incidence normalisés selon l'âge et le sexe des fractures de la hanche varient considérablement, allant de 95,1 (Brésil) à 315,9 (Danemark) pour 100.000 habitants ;
- la plupart des pays et régions ont montré une tendance à la baisse de l'incidence des fractures de la hanche, avec les baisses les plus prononcées au Danemark (‐2,8 % par an), à Singapour (‐2,8 %) et à Hong Kong (‐2,4 %). Les plus fortes hausses ont été relevées aux Pays-Bas (+2,1 %) et en Corée du Sud (+1,2 %).
- En dépit de la baisse globale de l'incidence des fractures de la hanche, le nombre total de fractures de la hanche devrait presque doubler entre 2018 et 2050 ;
- dans l'année qui suit une fracture de la hanche, le traitement post-fracture reste peu fréquent, de 11,5 % en Allemagne à 50,3 % au Royaume-Uni ;
- les taux de mortalité toutes causes dans l’année qui suit une fracture de la hanche varient de 14,4 % (Singapour) à 28,3 % (Royaume-Uni), tandis que les tendances de la mortalité variaient de -5,3 % à +18,4 % par an ;
- les hommes utilisaient moins de médicaments contre l'ostéoporose que les femmes, mais présentent des taux de mortalité toutes causes plus élevés et une augmentation plus importante du nombre prévu de fractures de la hanche d'ici 2050.
Ainsi, si les taux d'incidence des fractures de la hanche normalisés selon l'âge et le sexe ont diminué dans la plupart des régions, le nombre de fractures de la hanche dans le monde devrait presque doubler d'ici 2050.
Il existe toujours une lacune importante dans le traitement et la prévention des fractures
dans tous les pays et toutes les régions du monde, en particulier chez les hommes.
L’un des auteurs principaux, le professeur Cyrus Cooper, président de l'International Osteoporosis Foundation (IOF) commente ainsi ces données : « nos résultats soulignent l’urgence d'améliorer les stratégies de prévention et de soins des fractures de la hanche. Ils constituent un appel à l'action pour les systèmes de santé du monde entier. De précédentes études avaient montré que 5 à 10 % des patients souffrant d'une fracture de la hanche subissent une récidive et que, parmi ceux-ci, jusqu'à 23 % subissent cette nouvelle fracture dans l'année qui suit leur première et 70 % dans les 5 années qui suivent la première ».
Les inégalités d’accès au traitement de l'ostéoporose, qui touchent encore plus fortement les hommes, constituent un des facteurs majeurs de ces fractures. Il s’agit donc de développer de toute urgence des programmes de coordination des soins post-fracture, afin de s'assurer que toute personne âgée qui a subi une première fracture de la hanche reçoit le traitement et la prise en charge nécessaires permettant de prévenir d'autres fractures.
Le fardeau des fractures de la hanche va donc continuer de croître, entraînant
une prévalence accrue de la dépendance
ainsi qu'une morbidité et une mortalité plus élevées, et d'immenses coûts socio-économiques pour les services de santé du monde entier.
Source : Journal of Bone and Mineral Research April, 2023 DOI: 10.1002/jbmr.4821 Global Epidemiology of Hip Fractures: Secular Trends in Incidence Rate, Post-Fracture Treatment, and All-Cause Mortality
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