Édition du génome, ciblage pharmacologique de voies biologiques, et thérapies cellulaires, la recherche s’accélère sur les traitements de la dystrophie musculaire de Duchenne. Pour preuve, cette recherche du Cedars-Sinai Medical Center (Los Angeles) qui documente une thérapie cellulaire efficace à ralentir la progression de la maladie. Ces travaux, publiés dans le Lancet, apportent un grand espoir aux patients qui ont actuellement et en dépit des avancées de la recherche, peu d'options de traitement.
La dystrophie musculaire regroupe plusieurs maladies caractérisées par des mutations génétiques entraînant une faiblesse progressive et une dégradation des muscles squelettiques. La dystrophie musculaire – dont la myopathie de Duchenne- est donc une maladie héréditaire rare, causée par des mutations sur un gène du chromosome X qui interfère avec la production de la protéine dystrophine dont les muscles ont besoin pour fonctionner.
Les enfants nés avec de telles mutations développent une faiblesse musculaire dans tout le corps, qui réduit la capacité de fonctionnement normale mais peut également réduire les fonctions (des muscles) du cœur et des poumons.
Environ la moitié des cas de dystrophie musculaire impliquent la myopathie de Duchenne. Cette maladie provient d'une mutation du gène qui code pour la dystrophine, une protéine qui soutient la structure musculaire en ancrant le cytosquelette des cellules musculaires avec leur cytoplasme, le sarcolemme. Les mutations de la dystrophine affectent différentes voies biologiques, ce qui provoque les symptômes caractéristiques de la maladie : compromission de l’intégrité de la membrane cellulaire, déséquilibre de l’homéostasie calcique, inflammation chronique, fibrose et altération du remodelage tissulaire.
4 perfusions pour freiner sa progression
La thérapie cellulaire ici documentée a été développée au Smidt Heart Institute à Hôpital cardiologique de Los Angeles, permet de freiner la progression de la maladie, de stabiliser la perte de force musculaire, notamment du muscle cardiaque, chez les patients atteints de myopathie de Duchenne. Cette thérapie est testée dans l’essai HOPE-2 qui sera suivi par un prochain essai clinique multicentrique, randomisé et contrôlé par placebo HOPE-3. Si ce nouvel essai validait son efficacité et son innocuité la thérapie cellulaire intraveineuse pourrait devenir le premier traitement approuvé par l’Agence américaine, Food and Drug Administration (FDA) dans la prise en charge de la myopathie de Duchenne.
Répondre à 2 besoins vitaux : la thérapie est « unique » « en ce sens qu'elle répond à 2 besoins vitaux chez les patients atteints de myopathie de Duchenne :
le mouvement physique et un cœur en bonne santé »,
commente l’auteur principal, le Dr Eduardo Marbán, directeur exécutif du Smidt Heart Institute du Cedars-Sinai.
En raison du déclin parfois rapide dans l’accomplissement de ces 2 besoins vitaux, le pronostic des patients atteints de myopathie de Duchenne est sombre. La plupart des patients devront avoir recours à des aides pour marcher et à un fauteuil roulant, parfois dès l’adolescence. Actuellement, les seuls traitements médicaux autorisés visent à retarder la perte de capacité de marcher mais aucun traitement n’est disponible y compris pour contrer les symptômes de la maladie.
L'essai HOPE-2 change la donne, commente l’un des auteurs principaux, le Dr Craig M. McDonald, professeur de médecine physique et de réadaptation et professeur de pédiatrie à l'Université de Californie, Davis. L’essai montre précisément que la thérapie cellulaire permet de ralentir considérablement la perte de la fonction du bras et de préserver la fonction cardiaque des participants atteints de myopathie de Duchenne.
L’essai est mené auprès de 20 garçons, âgés de 10 ans et plus, suivis pour leur dystrophie musculaire de Duchenne, dans plusieurs hôpitaux des États-Unis . tous ces jeunes participants présentaient une « déficience modérée des membres supérieurs ». 8 participants ont été assignés à recevoir la thérapie cellulaire et 12 un placebo. Les cellules et le placebo ont été administrés par voie intraveineuse tous les 3 mois pendant un an. L'essai était mené en double aveugle. L’étude montre que :
- les patients ayant reçu la thérapie cellulaire ont subi moins de perte de capacité musculaire des membres supérieurs après 12 mois vs les témoins ;
- si les participants ayant reçu la thérapie ont tout de même perdu certains mouvements des membres supérieurs au cours de la période de suivi, ce déclin de force musculaire a suivi un rythme 71 % plus lent que chez les enfants témoins ;
- la fonction cardiaque s'est également améliorée chez les enfants ayant reçu la thérapie cellulaire -ce qui constitue une découverte importante puisque l'insuffisance cardiaque est la principale cause de décès chez les patients atteints de myopathie de Duchenne.
Une thérapie par voie intraveineuse, et seulement 4 fois par an : les cellules sont en effet infusées par voie intraveineuse, 4 fois par an, donc le traitement, qui vise à amener le corps à produire de la dystrophine, reste plutôt supportable les patients et leurs familles. L’approche est différente de celle d'autres thérapies expérimentales, visant le même objectif, car elle utilise des cellules cardiaques ou cardiosphères, des cellules progénitrices dérivées du tissu cardiaque humain, pour améliorer la fonction du muscle squelettique et du cœur. Ainsi, la thérapie pourrait être efficace dans toutes les formes de dystrophies musculaires, et quelle que soit la mutation génétique en cause.
« Les cellules cardiosphères aident à la fois le cœur et le muscle squelettique ».
Et sur la sécurité ? Peu d’effets secondaires sévères ont été identifiés. Un enfant participant a présenté une réaction allergique grave au traitement, lors de la deuxième perfusion intraveineuse et a dû recevoir une injection d'épinéphrine et être hospitalisé.
Si d'autres études restent nécessaires pour savoir si les effets de cette thérapie durent plus de 12 mois et prolongent la vie des enfants atteints de myopathie de Duchenne, cette analyse préliminaire ouvre l’espoir pour les patients et leurs familles.
N.B. cet essai a été soutenu par Capricor Therapeutics, une biotech de San Diego, qui détient la licence mondiale exclusive pour cette technologie et fabrique le traitement cellulaire sous le nom de CAP-1002.
Source: The Lancet 12 March, 2022 The Lancet DOI 10.1016/S0140-6736(22)00012-5 Repeated intravenous cardiosphere-derived cell therapy in late-stage Duchenne muscular dystrophy (HOPE-2): a multicentre, randomised, double-blind, placebo-controlled, phase 2 trial
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