La douleur du membre fantôme reste un phénomène mal compris, dans lequel les personnes amputées peuvent ressentir une douleur intense située dans la partie manquante du corps. L’idée est que le cerveau conserve une image cérébrale du membre perdu, longtemps après l’amputation. Cette recherche menée à l’Université de technologie Chalmers (Suède) apporte, dans la revue Frontiers in Neuroscience, une nouvelle théorie sur l'origine de ce « mal mystérieux ». Une hypothèse basée sur de précédents travaux et l’espoir d’un traitement révolutionnaire de la maladie, qui utilise l’apprentissage automatique et la réalité augmentée.
La douleur du membre fantôme qui peut entraîner une douleur intense, allant de la sensation de brûlure, à celle d’écrasement peut être gravement invalidante et réduire considérablement la qualité de vie de la personne amputée. Le Dr Max Ortiz Catalan, professeur associé à l'université de technologie de Chalmers, propose une nouvelle théorie prometteuse, une « intrication stochastique », soit liée aux effets du hasard. Il propose en effet, qu'après une amputation, les circuits neuronaux liés au membre manquant perdent leur rôle et deviennent susceptibles de s’enchevêtrer (intrication) avec d'autres réseaux neuronaux et, dans le cas de douleur du membre fantôme, avec le réseau responsable de la perception de la douleur. « Imaginez que vous perdiez votre main », explique le chercheur dans un communiqué, « cela laisse une grande partie du réseau associé dans votre cerveau, privé de toute entrée sensorielle. La main est inactive mais pas silencieuse ».
Phantom Motor Execution, une nouvelle thérapie prometteuse : le chercheur et son équipe ont développé une nouvelle technique de prise en charge, Phantom Motor Execution (PME) qui va décoder les mouvements fantômes à partir du membre résiduel à l'aide d'un modèle d’apprentissage automatique, puis les visualiser via la réalité virtuelle augmentée. Ces travaux montrent que la technique permet de réduire la douleur du membre fantôme chez les patients atteints réfractaires aux autres traitements. La technique Phantom Motor Execution est actuellement testée dans des cliniques du monde entier, au Canada, en Australie et en Europe. Un appareil permettant ce traitement est en cours de commercialisation par Integrum AB, une société suédoise de dispositifs médicaux, et un vaste essai clinique international dans 7 pays est actuellement en cours. Des études d'imagerie cérébrale doivent confirmer l’efficacité de la nouvelle thérapie.
Explications : les neurones ne sont jamais complètement silencieux. Lorsqu'ils ne traitent pas de données spécifiques, ils s’activent « au hasard ». Cette activité (ou tirs neuronaux) peut entraîner un déclenchement « par coïncidence » de neurones dans cette zone du réseau sensorimoteur, en même temps que dans le réseau de perception de la douleur. Quand ces neurones s’activent ensemble, cela entraîne le développement de la douleur dans cette zone fantôme du corps. Et lorsque cette sensation se reproduit, « cela pourrait renforcer une connexion neuronale, la faire ressortir et aider à établir un lien durable indésirable », expliquent les auteurs.
Le postulat de Hebb : cette hypothèse est basée sur les travaux de Donald Hebb qui suggérait que si 2 neurones sont actifs en même temps, les synapses entre ces neurones seront renforcées. Dans le cas de la douleur du membre fantôme, les neurones des réseaux sensorimoteur et de perception de la douleur se mêlent, entraînant une douleur au membre fantôme. La nouvelle théorie explique également pourquoi certains amputés n’en sont pas atteints. La stochasticité ou le caractère aléatoire de ce déclenchement simultané peut l’expliquer.
L'efficacité de la thérapie Phantom Motor Execution : dans ce traitement, les électrodes attachées au membre résiduel du patient captent des signaux électriques destinés au membre manquant, qui sont ensuite traduits en temps réel par des algorithmes en mouvements d'un membre virtuel. Les patients se voient sur un écran, avec un membre rendu numériquement (réalité augmentée) à la place de celui qui manque, et peuvent alors le contrôler comme s'il s'agissait de leur propre membre biologique. Cela permet au patient de stimuler et de réactiver ces zones dormantes du cerveau. « L'utilisation de ces circuits permet d'affaiblir et de déconnecter l'enchevêtrement du réseau de la douleur ».
La nouvelle technique a déjà fait ses preuves chez quelques patients réfractaires à d'autres thérapies. Ses tests dans des cliniques du monde entier doivent valider son efficacité.
Source: Frontiers in Neurology 06 September 2018 DOI : 10.3389/fneur.2018.00748 The Stochastic Entanglement and Phantom Motor Execution Hypotheses: A Theoretical Framework for the Origin and Treatment of Phantom Limb Pain (Visuel Max Ortiz Catalan)
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