Anticancéreux, analgésique ou antimicrobien, les venins d’araignée, d’escargot ou ici de scorpion livrent peu à peu leurs secrets thérapeutiques. C’est en effet la première étude, menée ici au Baylor College of Medicine (Houston) à identifier dans le venin, un composé thérapeutique contre les symptômes de polyarthrite rhumatoïde. Avec, à la clé, le moyen d’améliorer la vie de près de 1,3 million de personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde dans le monde. Des travaux présentés dans le Journal of Pharmacology and Experimental Therapeutics qui apportent la preuve de cet effet, chez l’animal, et sans effets secondaires associés.
La polyarthrite rhumatoïde est une maladie auto-immune, dans laquelle le système immunitaire attaque les articulations. Certaines cellules, les « synoviocytes fibroblastiques » jouent un rôle clé dans la maladie : lorsqu'elles se développent et se déplacent d'une articulation à l'autre, elles sécrètent des composés qui endommagent les articulations et attirent les cellules immunitaires responsables de l'inflammation et de la douleur. Les articulations « s'élargissent et se bloquent », expliquent les chercheurs. Les traitements actuellement disponibles ciblent les cellules immunitaires impliquées dans la maladie mais ne parviennent pas à empêcher les dommages aux articulations.
Un canal de potassium clé sur ces synoviocytes fibroblastiques chez les patients polyarthritiques : lors d’une précédente étude, la même équipe avait identifié un canal de potassium clé sur ces synoviocytes fibroblastiques chez les patients polyarthritiques. L’équipe a donc cherché un moyen de bloquer le canal pour empêcher les cellules d'endommager les articulations. En général, les canaux potassiques fonctionnent en ouvrant des portes à la surface des cellules qui permettent aux ions potassium – de petits atomes chargés – de circuler vers l’intérieur et hors de la cellule et ce flux d'ions à travers les canaux est nécessaire pour que les cellules puissent remplir une grande partie de leurs fonctions.
Cependant les animaux tels que les scorpions ont des venins capables de bloquer ces canaux ioniques. le potassium et d'autres canaux ioniques. Ils utilisent leur venin pour paralyser et tuer leurs proies. Il y a des décennies déjà, les scientifiques avaient réalisé qu’en les manipulant, ils pourraient exploiter ces venins à des fins médicinales.
Le venin de scorpion pour des traitements améliorés pour la polyarthrite rhumatoïde : le venin de scorpion comprend des centaines de composants différents. Cependant, un de ses composants, le « Buthus tamulus » bloque spécifiquement le canal potassique des synoviocytes fibroblastiques et non les autres. Les chercheurs ont donc regardé si ce composant, l’ibériotoxine, serait capable de bloquer spécifiquement ce canal potassique et de réduire ainsi la gravité de la polyarthrite rhumatoïde chez des rats modèles de la maladie. Lorsque les chercheurs traitent ces modèles animaux avec l'ibériotoxine, ils parviennent en effet à stopper la progression de la maladie. Les animaux retrouvent une meilleure mobilité articulaire et présente nt une réduction de l’inflammation dans leurs articulations. De plus, le traitement par l'ibériotoxine n’induit pas (chez le rat) d'effets secondaires.
L'ibériotoxine s’avère ainsi très spécifique à bloquer le canal potassique dans ces cellules clés de la polyarthrite rhumatyoïde. Et sans affecter les autres canaux des autres types de cellules.
Des résultats donc très prometteurs même si d’autres recherches doivent encore être menées avant de tester chez l’Homme ce composé du venin de scorpion.
Source : The Journal of Pharmacology and Experimental Therapeutics February 16, 2018, DOI: https://doi.org/10.1124/jpet.117.245118 Targeting KCa1.1 channels with a scorpion venom peptide for the therapy of rat models of rheumatoid arthritis
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